• Plat à Ombilic avec une ronde de poissons

Plat à Ombilic avec une ronde de poissons

Ce grand plat à reflets métalliques dorés est probablement originaire de Manisès (Espagne), l’un des centres les plus renommés de création des faïences dites hispano-mauresques et date de la seconde moitié du XVIe siècle. Sur l’ombilic, le décor d’oves, laissés en réserve sur fond lustré, imite les godrons placés habituellement à cet emplacement. Tout autour, une ronde de quatre poissons peints en lustre se déploie sur un fond de fins rinceaux. L’arête du bassin est soulignée d’une frise de demi-cercles lustrés. Sur l’aile, quatre grandes feuilles à cinq lobes en relief, lustrées et cernées de bleu, se détachent sur le même fond de rinceaux, ornés de fleurs stylisées ou de boules. Le bord de l’aile est décoré de cercles et de petites arches. Au revers, une roue centrale est entourée de cercles fins et d’un plus petit cercle épais, et de motifs de feuilles de réglisse des bois stylisées. Si les poissons sont souvent représentés dans l’art islamique, sur céramique ou gravés dans le métal, nageant en banc ou imbriqués dans un motif tournant, l’élégant décor de ronde de poissons qui apparaît au centre de ce plat est en revanche assez rare sur les faïences hispaniques. Le département des Objets d’art conserve un peu plus d’une centaine de céramiques hispaniques, illustrant la plupart des grands décors du XVe au XVIIIe siècles, mais précisément pas ce type avec motif animalier sur un fond de fins rinceaux, associant lustre et bleu de cobalt. Le plat de la collection Gougé vient donc opportunément compléter le groupe des faïences lustrées de Manisès du département. Ce plat est aussi précieux en raison de sa provenance et de son histoire. Il entre en 1876 dans la collection de Georges Bellio (Bucarest, 1828 - Paris, 1894), l’un des premiers amateurs de peinture impressionniste, qui fut notamment propriétaire du tableau Impression Soleil levant de Claude Monet, par héritage a appartenu à sa fille Victorine de Bellio (1863-1958) qui épouse Eugène Donop de Monchy en 1892. Les Donop de Monchy prêtent les tableaux de la collection familiale, notamment au musée Marmottan, créé en 1934 grâce à la donation de Paul Marmottan à l’Académie des Beaux- Arts de ses collections et de son hôtel. Restée sans enfant, Victorine choisit de destiner au nouvel établissement une partie de l’importante collection qu’elle a héritée de son père. Entre 1940 et 1947, elle procède à plusieurs dons : objets d’art asiatique, peintures, dessins anciens et modernes, qui illustrent les goûts éclectiques et l’ouverture d’esprit du docteur Bellio. D’autres céramiques lustrées hispaniques, qui font partie des collections données au musée Marmottan, devront faire l’objet d’une étude plus approfondie pour connaître leur provenance et leur importance. Hérité de son père, le plat à la ronde de poissons sera offert par Victorine Donop de Monchy au père de M. François Gougé dans les années 1950. Les liens entre les deux familles sont étroits. Ce don par l’intermédiaire des Amis du Louvre témoigne du vif intérêt porté par les collectionneurs de la seconde moitié du xixe siècle aux céramiques dites hispano-mauresques, reconnues et étudiées par le baron Davillier dans son Histoire des faïences hispano-moresques à reflets métalliques (Paris, Victor Didron, 1861). Il illustre aussi les liens forts qui unissent François Gougé, magistrat, conseiller honoraire à la Cour de cassation, et son épouse l’artiste peintre Judicaël, professeure d’histoire de l‘art à l’École supérieure des Arts appliqués Duperré, au musée du Louvre dont ils ont parcouru toute leur vie les salles avec passion.

(Par Françoise Barbe, conservateur en chef au département des Objets d'art)

Plat à Ombilic avec une ronde de poissons

Techniques/Materiaux
Faïence lustrée
Dimension
D. 39,8 cm ; H. : 6,5/7,5 cm
Période
seconde moitié du XVIe siècle
Date d'acquisition
2023
Don et leg
Dons d'oeuvres d'art
Modalité d'acquisition
Dons d'œuvres d'art

 confidentialité