La belle Madone de l'ancienne collection Duchâtel, entrée au Louvre sous le nom prestigieux de Piero della Francesca, est, en réalité, comme le démontra brillamment Berenson quelques mois après, l'oeuvre d'un peintre florentin de la même génération, Alesso Baldovinetti, dont Mme André avait acquis en 1891 une autre Vierge
à l'Enfant, cette fois sur toile (Paris, musée Jacquemart-André). L'attribution à ce maître délicat et fort peu connu alors avait d'ailleurs été avancée avec prudence trente ans auparavant par le grand connaisseur qu'était Cavalcaselle. Formé sans aucun doute auprès de Domenico Veneziano, dont l'ascendant sur le jeune Piero fut tout aussi décisif, Alesso partage avec eux cette quête passionnée de la perspective, ce goût d'un chromatisme clair et recherché. Au fil des années, la lumière qui baigne ses compositions se fait plus subtile et diffuse, comme dans la Nativité peinte à fresque à partir de 1460 sur l'une des parois du cloître de l'Annunziata à Florence et dans la Madone du Louvre, généralement datée vers 1464, où resurgit, derrière l'imposante silhouette de la Vierge, le même type de paysage panoramique.